Immensément triste : la fracture n’a jamais été si grande entre les tribunes et les terrains. On est entré aujourd’hui dans une contre-société où la compétition est complètement dénudée de son charme et de son spectacle.
Ceux qui appelaient au huis clos et qui restent aujourd’hui sur la même lancée en continuant à limiter l’accès aux stades au public local et à réduire le nombre des spectateurs, ignorent certainement le monde des tribunes, ses usages, ses valeurs, certes parfois contestables. Ils sont mal placés pour prétendre veiller à la marche du football, donner des leçons de morale, ou encore prendre les décisions nécessaires.
La demi-finale de la coupe de Tunisie, qui opposera ce dimanche le CA au CSS au Stade Hamadi-Agrebi à Radès se jouera uniquement en présence du public local, c’est-à-dire les 17 mille supporters du Club Africain autorisés à accéder au stade par des responsables qui gèrent à leur manière le football tunisien. Un match choc n’aura jamais la même identité et le même charme quand les tribunes du stade sont vides. Vides de supporters et vides de chaleur.
Ils sont, au fait, quelques centaines de supporters à poser problème. Doit-on alors punir les mille autres ? C’est là un aveu d’échec et d’impuissance, dans la mesure où l’on n’est même plus capable de maîtriser un si petit nombre de personnes.
Il faut dire que depuis quelque temps, on assiste à une forme de surenchère : c’est à celui qui inventera la sanction la plus contraignante, c’est à celui qui accusera l’autre d’être pire que soi.
Le football reflète la société. Or, la société actuelle est violente un peu partout… Un stade n’est pas hors du monde. Même dans l’excès, on est persuadé qu’il y a une majorité du public soucieuse d’en finir avec la violence. Et c’est pour cela que l’on aurait besoin d’un regard sociologique pour étudier l’état d’un pays, d’une ville, d’un environnement, des stades dans toutes leurs composantes, leurs excès, leurs qualités, leurs défauts. Et c’est assurément cette réalité, assez déprimante, plus que jamais désolante, que les politiques refusent de voir.
Si on aime le foot et le spectacle qu’il propose, on doit aimer aussi l’ambiance qui entoure tout cela. La ferveur des stades. Celle qui transcende un match. Celle qui spiritualise un choc au sommet. Celle qui donne des ailes aux joueurs. Celle qui en plombe d’autres. Celle qui fait trembler.
Le recours au huis clos et même à la réduction du nombre des supporters n’est pas la meilleure réponse ni à la violence, ni aux risques sanitaires. C’est une mesure qui montre que les initiateurs de ce genre de décision ne cherchent pas à mieux connaître le monde des supporters et des tribunes. Si ces derniers ont le sentiment d’incarner la fidélité à leurs couleurs, à leurs clubs, d’être en quelque sorte éternels, les autres, ceux qui réfléchissent, ceux qui débattent, ceux qui décident, sont considérés comme étant une…fausse note.
Chers responsables, chers décideurs, le foot sans public n’est plus le foot. Ou alors, il …est mort !